Première légende du mausolée d’Ishratkhona
Un jour, dans les faubourgs de Samarcande, Emir Timour traversait le cimetière de Hodja Abdi Darun et vit à cet endroit, dans un verger de pêchers en fleurs, une femme d’une beauté indescriptible. Il sauta de cheval, descendit devant la beauté et s’inclina. Puis il se fiança à elle et la prit pour épouse, et à l’endroit de leur heureuse rencontre, il construisit la maison de plaisance et y passa son temps avec sa femme.
Deuxième légende du mausolée d’Ishratkhona
L’épouse préférée d’Emir Timour se fit construire un tombeau qui devait lui servir de lieu de repos. Le peshtak doré et la haute coupole furent érigés, les murs du mausolée furent peints avec des motifs de kunu’al et les étoiles furent disposées en étoile. Lorsque tout fut terminé, Emir Timour fut invité à visiter le bâtiment. L’amateur de beauté fut enchanté et, dans son admiration, embrassa si fort la constructrice qu’elle transforma le tombeau en maison des plaisirs pour immortaliser ce baiser. Et elle a fait construire un mausolée pour elle-même à un autre endroit.
Troisième légende du mausolée d’Ishratkhona
Un jour, Emir Timour, ses bahadoures¹ (gardes du corps) et ses émirs quittèrent leur armure de guerre et revêtirent leurs habits légers pour se retirer dans cet édifice et s’adonner aux plaisirs de la vie. Afin que personne ne puisse les déranger dans leurs agréables occupations, ils placèrent des gardes à l’entrée et leur ordonnèrent de ne laisser personne entrer dans la maison du plaisir.
Pendant la joyeuse fête, Mirza Ulughbek, le petit-fils d’Emir Timour, se plongea, comme il en avait l’habitude, dans l’étude des étoiles et observa leurs mouvements, reliant les lois de leur position aux destins des hommes, du pays et du monde sublunaire tout entier. Le jeune homme travailla longtemps et durement à la lecture des étoiles et composa des horoscopes sur la chance et le malheur. Il vit que son grand-père, Emir Timour, était en danger mortel dans la Maison du Plaisir, la main du destin avait déjà tiré l’épée pour couper le fil de sa vie terrestre victorieuse.
Mirza Ulughbek enfourcha son cheval et se dirigea vers Ishratkhona. Mais comment allait-il pénétrer dans la fête? Comment voir son grand-père! La porte était solidement fermée par des gardiens fiables, de sorte que même une petite souris ne pouvait pas passer. Ulugbek tira alors son épée, fit atteler son cheval, réveilla les serviteurs, se précipita sous la coupole vers la fête, saisit son grand-père par le bras et, sans dire un mot à l’approche du moment fatidique, l’entraîna vers la sortie. Il fut suivi par une foule d’invités qu’il était impossible de comprendre et de serviteurs qu’il fallait excuser.
Dès que Mirza Ulughbek et Emir Timour sortirent de sous l’arche de l’entrée, il y eut une détonation, la terre trembla et la coupole peinte sous laquelle les émirs et les bahadurs festoyaient s’effondra, se brisant en quatre morceaux et recouvrant de ses fragments le haut trône sur lequel Emir Timour était encore assis quelques minutes auparavant. Tous tombèrent à genoux et remercièrent Allah de les avoir sauvés. Le bâtiment d’Ishratkhona ne fut jamais reconstruit, car ils virent dans ce qui s’était passé un signe du Tout-Puissant et la prédestination écrite dans le livre était irrésistible pour les hommes.
¹Le mot Bahadur signifie à l’origine héroïque ou courageux et est étymologiquement proche du mongol Baatar, du turc Baghatur, du turc Bahadır, du russe bogatir (богатырь “héros”) et du hongrois bátor “brave”.